Après l’invitation de la Cour des comptes dans son rapport annuel début 2023 à une réforme ambitieuse de la décentralisation, le président de la République reprend l’initiative.
Face à une « organisation territoriale devenue trop complexe au fil du temps » et afin de mettre un terme à « une forme de confusion et de dilution des responsabilités », E. Macron a confié à Eric Woerth, ancien ministre du budget et député de l’Oise, (et ancien maire de Chantilly), une mission de 6 mois en vue d’établir un ensemble de propositions tendant à une « décentralisation plus aboutie et plus efficace ainsi qu’à une plus grande déconcentration de l’action de l’Etat ». La lettre de mission indique que cette réforme doit permettre « d’apporter plus de clarté à notre organisation territoriale afin que les acteurs locaux puissent agir en pleine responsabilité ». Les propositions attendues de réforme de l’action publique locale doivent ainsi permettre une réforme de la décentralisation qui s’exerce au « meilleur coût », « adaptée, de manière différenciée à chaque territoire » et « plus lisible ».
L’annonce de cette mission début novembre a d’emblée suscité une levée de boucliers. Principal objet du courroux des élus locaux, et en particulier des élus départementaux, le premier axe de réflexion soumis à la mission qui ambitionnait d’aboutir à des propositions de « simplification de l’organisation territoriale en vue de réduire le nombre de strates aujourd’hui trop nombreuses et de mieux les articuler entre elles ». Face à la crainte exprimée par les départements d’être une nouvelle fois la cible d’un projet gouvernemental de rationalisation du « millefeuille territorial » susceptible d’aboutir à leur disparition, E. Woerth a dû s’engager à ne pas remettre en question l’échelon départemental dans le cadre de ses travaux.
La perspective d’une réduction du nombre de strates étant a priori abandonnée, la mission Woerth semble devoir concentrer ses travaux principalement sur deux axes pour relancer la décentralisation : la clarification des compétences et l’autonomie financière des collectivités.
La clarification des compétences consiste à tenter de régler la question du « qui fait quoi » en mettant un terme aux partages de compétences tant entre collectivités et Etat qu’entre niveaux de collectivités, synonyme selon l’exécutif de « dilution des responsabilités », d’« inefficience » et de « surcoûts ». Sujet particulièrement sensible, il est demandé à E. Woerth de faire des propositions de transferts de compétences entre niveaux de collectivités, de l’Etat vers les collectivités ou des collectivités vers l’Etat.
A travers la « consolidation des moyens à disposition des collectivités territoriales », la mission doit proposer « les termes de ce que peut être l’autonomie financière des collectivités » et assurer une « forme de prévisibilité concernant les moyens qui leurs sont dévolus ». Ce volet financier est le pendant incontournable d’une réforme de la répartition des compétences en assurant la pérennité et l’adéquation des financements aux compétences confiées. Par ailleurs, E. Macron a annoncé devant les maires réunis à l’Elysée le 22 novembre son souhait d’initier une réforme de la DGF évoquant un « travail de refonte pour un système plus juste et prévisible » qui serait confié au Comité des finances locales (CFL).A ce sujet, les associations d’élus locaux souhaiteront sûrement également réinterroger la politique gouvernementale consistant à favoriser le recours aux subventions et dotations d’investissement – au détriment notamment de la DGF – tout en fléchant les domaines et projets éligibles, principalement sur des problématiques de transition écologique. À cet égard, la question du financement du « mur d’investissements verts » mais aussi des implications des amendements parlementaires au PLF 2024 relatifs au « budget vert » et à la « dette verte » pourraient trouver légitimement une place dans la discussion.
Quant aux propositions attendues sur la « simplification et l’adaptation des normes », véritable serpent de mer des relations Etat/collectivités et sujet non résolu malgré la création de la Commission nationale d’évaluation des normes (CNEN) en 2013. La lettre de mission ouvre notamment la porte à une approche plus souple et pragmatique qui permettrait notamment aux « acteurs locaux, en lien avec les préfets disposant aussi d’un pouvoir d’adaptation étendu, d’appliquer les normes nationales en tenant compte des réalités locales ».
Enfin, cette mission devra faire des propositions sur « la valorisation des fonctions électives locales ». Face au malaise exprimé par les élus locaux se traduisant en une accélération des démissions et en une crise des vocations, il s’agira de « renforcer les conditions d’exercice du mandat local sur le plan matériel, statutaire et juridique ». Pour répondre à cette préoccupation – sujet probablement le plus consensuel tant en termes de constat que de solutions à apporter – E. Macron a annoncé que serait déposé courant 2024 un projet de loi transpartisan sur le statut de l’élu.
A suivre …