À la suite des rencontres organisées le 2 février 2023 par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur l’accélération de l’investissement des collectivités territoriales dans la transition écologique, la délégation a présenté le 21 mars un rapport pour favoriser l’« investissement vert » dans les collectivités. Pour son président, Thomas Cazenave, les pistes dégagées doivent aboutir à une proposition de loi ainsi qu’à une loi de programmation pluriannuelle pour les collectivités.
Constats et enjeux : Les collectivités locales et le « mur » d’investissement de la transition écologique
Les objectifs en matière de transition écologique et de décarbonation de notre économie sont très ambitieux, en particulier s’agissant de la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre (GES), avec comme première cible une diminution de 55% de nos émissions en 2030 par rapport à 1990. La France est encore très loin de l’objectif d’atteindre des émissions réduites à 270 millions de tonnes en 2030 et la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Pour y arriver, si tous les acteurs – État, collectivités territoriales, entreprises et ménages – doivent s’impliquer, les collectivités territoriales jouent un rôle majeur.
D’une part, les collectivités sont des acteurs incontournables des politiques de verdissement de l’économie française :
- Au sein des administrations publiques, les collectivités territoriales assurent à elles-seules près de 60% de l’investissement public
- Les collectivités détiennent un patrimoine immobilier estimé à près de 1 400 milliards d’euros, soit 20% du parc immobilier public
- Les compétences qui leur sont dévolues sont au cœur des enjeux de lutte contre le réchauffement climatique : électrification des usages (organisation des transports publics), efficacité énergétique (gestion des réseaux de distribution d’énergie), …
- Selon I4CE, sur la seule composante d’atténuation du réchauffement climatique, le besoin d’intervention des collectivités territoriales peut être évalué à 12 milliards d’euros par an, soit environ 20% de leur budget d’investissement : aménagements cyclables (3,3 milliards d’euros), transports en commun et mobilité ferroviaire (3 milliards d’euros) et rénovation énergétique des bâtiments publics (2,7 milliards d’euros).
D’autre part, il apparait désormais impératif d’initier une nouvelle dynamique d’investissement après l’essoufflement constaté dans les années 2010 :
- Les finances locales sont structurellement saines. Après un léger repli en 2020 (-1,1 milliard d’euros) lié, pour l’essentiel, à la crise sanitaire, la capacité de financement (différence entre dépenses et recettes, avant recours à l’endettement) de l’ensemble du secteur local est redevenue positive en 2021 (+3 milliards d’euros). Ce rebond s’inscrit dans la droite ligne des excédents de gestion constatés de manière quasi-ininterrompue depuis 2015.
- Mais ce redressement des finances locales semble s’être effectué au détriment de l’investissement public, celui-ci ayant parfois servi de « variable d’ajustement ».
Or, comme le rappelle le rapport « de tels investissements ne peuvent s’envisager que sur le long terme, ce qui implique que les collectivités puissent avoir une vision pluriannuelle de l’évolution de leurs dépenses et de leurs ressources ». À ce titre, Thomas Cazenave, président de la Délégation, appelle de ses vœux « l’adoption d’une loi de programmation pluriannuelle pour le financement des collectivités locales ».
Propositions : Des axes identifiés afin de lever les freins à l’investissement « vert » des collectivités
En complément des dispositifs existants, tel le fonds vert, il apparait nécessaire de renforcer le rôle des collectivités locales et « compte-tenu des montants d’investissement en jeu, le levier de l’endettement reste celui qui paraît le plus pertinent à mobiliser au niveau local. »
1er frein à lever : Réhabiliter l’endettement de long terme des collectivités
Sur ce point, différentes pistes sont proposées :
– Augmenter de 50 milliards d’euros du montant de l’encours, toutes collectivités confondues, n’aurait pour effet que de porter le délai de désendettement à six ans (versus 4,5 ans en 2021).
– Emprunter sur des maturités plus longues de façon à accroître leur capacité d’investissement et à « lisser » la charge financière dans le temps.
– Réviser les plafonds de référence de la capacité de désendettement dans le cadre de la prochaine loi de programmation des finances publiques. Dans cette optique, une réflexion devrait également être engagée sur la manière dont les collectivités comptabilisent les amortissements sur leurs actifs immobilisés et, ainsi, construisent leur situation financière.
2ème frein à lever : Reconnaître la « dette verte » dans les comptes des collectivités
L’appréciation portée sur la dette publique locale doit évoluer et éventuellement aboutir à une « « sortie » des investissements verts des indicateurs financiers traditionnels.
Une autre hypothèse consiste à mettre en place une nomenclature permettant de distinguer au sein des dépenses d’investissement, celles relevant de l’atténuation du changement climatique ou de l’adaptation afin d’identifier la part « verte » de la dette d’une collectivité. L’idée sous-jacente étant que la « dette verte » ainsi isolée pourrait bénéficier d’un traitement plus favorable de la part des prêteurs et d’une meilleure acceptation par les électeurs.
Outre les difficultés méthodologiques de traitement comptable, encore faut-il savoir définir un « investissement vert » et force est de constater qu’aujourd’hui différentes définitions et approches cohabitent (État, taxonomie européenne, I4CE, …).
3ème frein à lever : L’ingénierie territoriale, condition essentielle de mise en œuvre des investissements « verts »
Enfin, dernier axe évoqué, l’ingénierie territoriale demeure une difficulté difficile à contourner pour nombre de collectivités et ce d’autant plus que les besoins pour les années à venir sont conséquents.
Des solutions existent néanmoins qu’elles soient anciennes (SEM, SPL, CAUE, …) ou plus récentes (ANCT).