Quelques jours après la publication d’une note de Jean-René CAZENEUVE, rapporteur général du Budget à l’Assemblée Nationale, sur les finances locales en 2023 qui concluait à une situation « « plutôt positive » malgré une baisse de l’épargne brute de -8,3%, l’INSEE met en évidence une situation nettement plus contrastée pour les finances des administrations publiques locales (APUL)* en général et des collectivités locales en particulier.
*APUL : Les administrations publiques locales comprennent les collectivités locales et les organismes divers d’administration locale (ODAL). Les collectivités locales regroupent les communes, départements et régions ainsi que les EPCI. Les ODAL regroupent principalement des établissements publics locaux (CCAS, caisses des écoles, SDIS, …), les établissements publics locaux d’enseignement et les chambres consulaires (commerce et industrie, agriculture et métiers).
Le déficit public
Selon l’INSEE, le déficit public pour 2023 s’établit à 154 milliards d’euros, soit 5,5% du produit intérieur brut (PIB), après 4,8% en 2022 et 6,6% en 2021.
- Les recettes ralentissent nettement en 2023 : elles progressent de 2% après +7,4% en 2022. Le taux de prélèvements obligatoires diminue et s’établit à 43,5% du PIB après 45,2% en 2022, à un niveau proche de l’avant Covid (43,9% en 2019).
- Les dépenses ralentissent un peu : elles augmentent de 3,7% après +4% en 2022. En proportion du PIB, les dépenses continuent de reculer et s’établissent à 57,3% du PIB après 58,8% en 2022 et 59,6% en 2021. Cependant, elles demeurent sensiblement supérieures à l’avant Covid (55,2% du PIB en 2019).
Subissant un ralentissement des recettes fiscales et des dépenses soutenues, l’État a vu son déficit une nouvelle fois progresser. De leur côté, les APUL supportent en 2023 un besoin de financement** en hausse de 8,9 milliards d’euros (pour s’établir à 9,9 milliards d’euros). En revanche, les administrations de sécurité sociale ont accru leur excédent.
Concernant les collectivités locales, l’Insee souligne notamment le « fort repli des droits de mutation à titre onéreux, affectés aux communes et aux départements, malgré une nouvelle hausse de la taxe foncière ». Sans donner de chiffres détaillés sur les dépenses des APUL, l’INSEE indique que la progression des dépenses de fonctionnement de l’ensemble des administrations publiques est principalement imputable à l’augmentation des prix de l’énergie sur le coût des consommations intermédiaires (+9,4%) et à la hausse des rémunérations (+4,6%).
Le déficit des APUL se creuse de 8,9 milliards d’euros, et s’établit à 9,9 milliards d’euros pour les raisons suivantes :
- Les dépenses accélèrent (+6,8%) portées par les dépenses de fonctionnement et d’investissement, la charge d’intérêt de leurs emprunts avec la hausse des taux et les revalorisations et extensions des prestations pour le handicap. L’INSEE souligne que l’investissement reste soutenu dans les collectivités locales, alors que l’investissement de l’État ralentit. L’investissement des collectivités locales, principaux contributeurs à la formation brute de capital fixe accélère (+11,9% après +8,2%) progresse plus tôt qu’à l’accoutumée dans le cycle électoral d’investissement
- A l’inverse les recettes ralentissent, avec un fort repli des droits de mutation à titre onéreux (-4,8 Md€, soit -22%), affectés aux communes et aux départements, malgré une nouvelle hausse de la taxe foncière (+3,8 Md€ soit +10,3% après +5,3% en 2022).
Au final, l’essentiel de la dégradation du solde des APUL est porté par les communes (-2,6 Md€) et les départements (-4,8 Md€). Le solde des organismes divers d’administrations locales (ODAL) se dégrade plus modérément (-0,5 Md€)
** Besoin de financement : Le solde est la différence entre les recettes et les dépenses des administrations publiques. Un solde déficitaire traduit un besoin de financement, assuré par l’emprunt, tandis qu’un solde excédentaire apparaît comme une capacité de financement. Les collectivités territoriales ont l’obligation de voter un budget à l’équilibre, mais en intégrant les dépenses et les recettes de l’emprunt.
La dette publique
La dette des administrations publiques au sens de Maastricht augmente de 147,6 Md€ en 2023 pour s’établir à 3 101,2 Md€ et atteint 110,6% du PIB fin 2023 après 111,9% fin 2022 (97,9% du PIB en 2019).
La contribution des APUL à cette hausse de la dette publique est mesurée et s’établit à +5,8 milliards d’euros. L’INSEE précise que cette augmentation est due à la fois aux collectivités locales (+2,4 Md€) et aux organismes divers d’administration locale (+3,1 Md€). Parmi ces derniers, la Société des Grands Projets (anciennement Société du Grand Paris) et Île-de-France Mobilité s’endettent sous forme de titres de long terme à hauteur de 3,5 Md€.
Cette dégradation des finances publiques en général et des finances locales en particulier va alimenter le débat public dans les mois à venir avec en cible la question de la mise à contribution des collectivités locales au redressement des comptes publics. Plusieurs rapports et revues des dépenses (IGF, Cour des comptes) sont attendus au cours des prochaines semaines en vue de la préparation de loi de finances 2025, voire également d’une révision de la loi de programmation des finances publiques 2023-2027 dont la trajectoire apparait déjà largement compromise …
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