Décryptage : la mobilisation du Fonds vert pour les collectivités, quel enseignement ?

Jeudi 16 mai 2024, Mme Alma Dufour et M. Sébastien Rome, membres de la commission des finances de l’Assemblée nationale ont déposé un rapport d’information relatif à la mobilisation du Fonds vert pour les collectivités territoriales.

Un fonds créé pour soutenir financièrement la transition écologique

Créé par la loi de finances pour 2023, le Fonds vert s’élève à 2.5 milliards d’euros et vise à soutenir financièrement la transition écologique des collectivités territoriales.

A noter : 2 milliards d’euros en autorisations d’engagements (AE) et 500 millions d’euros en crédits de paiement (CP)

Le fonds vert a été un succès : la quasi-totalité des AE a été exécutée, et l’ensemble des demandes des collectivités n’ont pu être totalement satisfaites, faute de crédits : au total, ce sont plus de 5 milliards d’euros de projets qui avaient été demandés. Une partie des projets a été reportée sur 2024.
Sur les 17 aides financées par le Fonds vert, les deux tiers des financements se concentrent sur 4 thématiques (voir ci-contre)

Une appropriation inégale du fonds par les collectivités

Le bloc communal est le grand bénéficiaire du Fonds vert, notamment en raison des compétences communales qui se retrouvent dans les principales mesures du programme. Il capte plus de 1,22 milliards d’euros en 2023 :

  • Communes : 60% des dossiers et 754,74 millions d’euros
  • EPCI : 23% des dossiers et 471,88 millions d’euros
  • Conseils départementaux : 4% des dossiers et 191,26 millions d’euros
  • Conseils régionaux : moins de 1% des dossiers et 17 millions d’euros.

 

Plus en détail, des inégalités se cachent au sein du bloc communal. Les communes dont la population est supérieure à 10 000 habitants sont sur-représentées, mais regroupe également la majeure partie de la population française. Ce sont les communes dont la population est comprise entre 1 000 et 10 000 habitants qui sont les principales bénéficiaires du programme. En concentrant plus de 40% des dossiers, elles ne représentent cependant que 25,5% des communes et ne rassemblent que 36,4% de la population. Les communes de moins de 1 000 habitants sont sous-représentées.

Par ailleurs, les territoires faisant l’objet d’un zonage spécifique (zones de revitalisation rurale, quartiers prioritaires de la politique de la ville, petites villes de demain, action cœur de ville …) représentent plus de 40% des dossiers acceptés.

La complexité des dossiers à monter est un premier frein à la répartition équitable des crédits, notamment pour les communes ne disposant pas de l’ingénierie suffisante. L’appui des services préfectoraux est une autre explication de ces inégalités de distribution. Un renforcement de l’effectif des services déconcentrés de l’Etat permettrait un meilleur accompagnement des collectivités qui ne disposent pas d’une ingénierie suffisante. Enfin, les rapporteurs préconisent un élargissement des crédits du Fonds vert aux dépenses de fonctionnement.

Un avenir incertain : quid du décret du 21 février 2023 ?

Les récents rapports d’I4CE, de France stratégie et de l’IGF ont rappelé l’enjeux des financements en faveur de la transition écologique. Les montants à engager sont immenses, et les collectivités devront, au regard de leurs compétences, supporter de nombreux investissements. La loi de finances pour 2024 s’engageait dans une dynamique positive, augmentant les crédits du Fonds vert par rapport à 2023. Néanmoins, le décret du 21 février 2024 a annulé 500 millions d’euros d’AE et 430 millions de CP. Cette annulation interroge sur la capacité de pérennisation du dispositif dans un contexte où les collectivités recherchent une stabilité et une vision pluriannuelles de leurs financements pour des investissements lourds (ex : rénovation énergétique des bâtiments publics).

Aussi, les rapporteurs spéciaux rappellent la gravité de cette annulation et alertent sur le montant insuffisant des crédits du Fonds vert quand le financement de la transition écologique devrait s’imposer à tous. Ils préconisent notamment que les financements du Fonds vert fassent l’objet « d’une contractualisation pluriannuelle avec les collectivité territoriales ».