De récentes publications permettent de porter un premier regard sur la trajectoire budgétaire des collectivités locales à fin septembre 2024. Si l’exercice budgétaire n’est pas terminé, ces données sont l’occasion d’analyser l’atterrissage budgétaire des collectivités en 2024 et ce alors même que le PLF 2025 en discussion au Parlement contient des mesures particulièrement préjudiciables pour les collectivités locales en général et l’investissement public local en particulier.
Quels principaux constats pour 2024 ?
Le bloc communal
En section de fonctionnement, l’augmentation modérée des impôts locaux (+3,7 %) et des RRF (+4,3%) est insuffisante pour compenser la hausse des dépenses (+6,1 %). On note par ailleurs un effondrement des ressources des droits de mutation (-20 % estimé au niveau communal en 2024, soit -0,7 Mds€), réduisant les recettes des communes. Cette augmentation des dépenses de fonctionnement est principalement due à la hausse du point d’indice des fonctionnaires, à l’inflation et au transfert de compétences comme la sécurité locale.
Ces évolutions génèrent des tensions sur l’épargne brute des communes, qui chute de 20 % par rapport à 2023. Les communes étaient dans une situation inverse en septembre 2023 avec une progression de l’épargne de 25%.
Les GFP enregistrent en revanche une hausse de 10% de leur capacité d’épargne brute.
📊 Source graphique : AMF sur la base des données DGFiP (comptes de gestion) au 30/09/2024
Dans cet environnement budgétaire, l’emprunt augmente de 12 % pour l’ensemble du bloc communal afin de financer les investissements (+13 %), se décomposant en une hausse de 15 % pour les communes et de 12,5 % pour les GFP.
La conjonction d’une baisse notable de l’épargne brute combinée à une progression sensible de l’endettement devrait aboutir à une dégradation de la capacité de désendettement des communes.
📊 Source graphique : DGFiP, SMCL au 30 septembre 2024
Les départements
Dans le prolongement de la forte dégradation budgétaire des départements en 2023, illustrée notamment par une chute des DMTO et consécutivement de leur autofinancement de -38,2 %, la situation comptable au 30 septembre 2024 confirme la poursuite des difficultés financières :
- Les dépenses sociales, notamment celles liées au RSA, continuent de représenter une part majeure des charges.
- Poursuite de la baisse des DMTO (-17 % au niveau national), conséquence de la crise du marché immobilier.
- Recours accru à l’emprunt et à la trésorerie pour financer les investissements.
Les régions
En 2023, les régions ont vu leur niveau d’autofinancement légèrement augmenter avec des dépenses de fonctionnement toutefois en hausse, notamment en raison de la dynamique salariale et des coûts énergétiques.
Au 30 septembre 2024, la situation budgétaire des régions demeure sous tension :
- Un niveau d’épargne brute en baisse (-5,1 %), reflétant la stagnation des recettes et une augmentation des charges courantes.
- Une augmentation des dépenses d’investissement (+ 20,2 %), avec un recours accru à l’emprunt (+19 % de flux) et à la trésorerie (-0,8 milliard d’euros).
- Introduction de nouvelles ressources fiscales, comme une part de l’accise sur les énergies pour compenser la baisse des ressources de la TVA.
Perspectives pour 2025 : des propositions du PLF de nature à fragiliser les finances locales et à déprimer l’investissement public local
A ce stade, les principales mesures du PLF 2025 (sous réserve du débat budgétaire en cours) sont :
- Prélèvement d’une partie des recettes de grandes collectivités (2% des RRF des collectivités dont les DRF dépassent 40 M€) afin d’alimenter un « fonds de précaution » de 3 Mds€
- Deux ressources majeures seraient gelées :
- Gel de l’enveloppe DGF sans indexation sur l’inflation (-500 M€) et ponction sur les variables d’ajustement (-487 M€)
- Perte de la dynamique de la quote-part de TVA allouée en compensation de la suppression de la TH et de CVAE (-1,2 Mds€)
- Hausse des cotisations retraite (CNRACL) estimée à 1,3 Mds€
- Concernant le soutien à l’investissement des collectivités, deux dispositifs majeurs se verraient affectés :
- Le fonds vert : Budget réduit de 1,5 Mds€ (de 2,5 Mds€ à 1 Md€) compromettant certains projets écologiques.
- Le FCTVA : Taux abaissé à 14,850 % (contre 16,404 %), avec certaines dépenses exclues (entretien, réseaux, cloud), générant une perte de ressources de 800 M€
Si le gouvernement semble désormais ouvert à la discussion sur l’atténuation de certaines mesures en reconsidérant leurs modalités d’application (FCTVA, prélèvement sur RRF), en revanche, l’effort budgétaire attendu des collectivités locales demeure et fait craindre une fin de mandat se traduisant par une perte majeure de marges de manœuvre et un coup de frein à venir sur l’investissement public local, en contradiction avec les objectifs nationaux en termes de décarbonation.
Références :
👉 DGFIP, Situation mensuelle des collectivités locales, Septembre 2024
💬 Un décryptage de Yann Doyen, Directeur des engagements et Henri Daudignon, Analyste Crédit – Chargé d’études secteur public.