La Cour des comptes a publié le 20 septembre un rapport sur l’ouverture à la concurrence des Transports express régionaux (TER). Ce document fait le point sur les recommandations émises en 2019[1] et dresse un état des lieux de cette ouverture sous la responsabilité des régions qui sont les autorités organisatrices de la mobilité (AOM).
[1] Cour des comptes, Les transports express régionaux à l’heure de l’ouverture à la concurrence. Des réformes tardives, une clarification nécessaire. Rapport public thématique (octobre 2019)
Une mise en concurrence inégalement appliquée sur le territoire
Depuis le 3 décembre 2019, les régions peuvent procéder à une attribution concurrentielle de l’exploitation des TER. Cette mise en concurrence deviendra obligatoire au plus tard à fin 2033. Les régions ont jusqu’au 25 décembre 2023 pour signer une convention avec SNCF Voyageurs pour une durée maximale de dix ans. Le rapport de la Cour des comptes pointe l’hétérogénéité des situations et des préparations des régions.
Ainsi :
- Quatre régions (Grand Est, Hauts-de-France, Pays de la Loire et Provence-Alpes Côte d’Azur) ont attribué l’exploitation de leurs TER après une mise en concurrence ;
- Cinq régions sont en phase de lancement ou de programmation d’appels à concurrence (Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Normandie et Nouvelle-Aquitaine) ;
- Les régions Occitanie et Bretagne attendront la fin de leurs conventions avec SNCF Voyageurs (2032 et 2033).
Quel bilan ?
Selon la Cour, bien que l’ouverture à la concurrence soit lancée, des progrès restent à réaliser, notamment concernant le renforcement de l’expertise technique, juridique et financière des régions. L’objectif de cette ouverture à la concurrence est d’améliorer qualité de service des usagers, et de réduire les coûts. En Italie, l’ouverture à la concurrence a permis de baisser les coûts mais aussi d’améliorer la qualité et la diversification de l’offre ferroviaire. En France, de nombreux obstacles demeurent.
Améliorer la qualité de service face à l’augmentation de la demande
Au lendemain de la crise sanitaire, le dynamisme de la fréquentation et des recettes des TER a été conforté. La Cour des comptes souligne que cette hausse pose des défis concernant la qualité du service. Elle recommande de mieux prendre en compte les attentes des usagers, et de consolider ses connaissances sur l’état du réseau.
Les régions ont souhaité maintenir l’ensemble des lignes malgré réseau jugé « non-satisfaisant ». Une « nouvelle donne » ferroviaire a été annoncée début 2023 pour un montant d’environ 100Md€ d’ici 2040. Deux objectifs sont visés :
- Moderniser le réseau et mettre un terme à son vieillissement
- Développer le réseau, notamment avec les RER métropolitains.
Aujourd’hui la qualité de service doit être améliorée pour renforcer le report modal et adapter l’offre à la demande. La fréquentation des TER est contrastée selon les régions, mais globalement en augmentation continue depuis 2020.
Pour organiser le report modal, il est essentiel de mieux comprendre les attentes des usagers, mais aussi les raisons de non-utilisation des transports en communs. Une enquête Ipsos (juin 2023) a révélé que l’absence de lignes est le principal motif de non-utilisation, suivi d’une remarque sur les fréquences et les horaires. Le coût des abonnements et des billets n’arrive qu’en septième position (voir ci-dessous).
Des coûts d’exploitation en hausse et des financements publics toujours prépondérants
Les coûts d’exploitation des TER ont augmenté de manière significative depuis 2019 (+22,2 % en 2023), entraînant des besoins de financements publics croissants. Cette augmentation s’explique par :
- Les péages payés à SNCF Réseau (+9% entre 2019-2023) et les redevances de gares versées à Gares & Connexions (+45% entre 2019 et 2023) ;
- L’augmentation des dépenses énergétiques (électrique et diesel) causée en partie par l’inflation (+138% entre 2019 et 2023) ;
- Les charges de personnel et les frais de structure du groupe SNCF.
Le coût total de l’activité TER (exploitation et investissement) s’élève à 10.9Md€ réparti comme suit :
- 5Md€ des conseils régionaux ;
- 7Md€ de l’Etat
- 7Md€ des usagers.
Les régions restent les principaux financeurs des TER. Les mobilités, hors Ile-de-France, constituent en 2023 près du tiers de leurs dépenses de fonctionnements (environ 8.4Md€ sur 26.7Md€) et plus du quart de leurs dépenses d’investissements (4Md€ sur 15.Md€). Le rapport souligne que l’activité ferroviaire reste largement financée par des fonds publics.
La part des recettes voyageurs a augmenté en 2023 (hausse fréquentation et transfert des trains Intercités à la région Normandie) mais reste minoritaire (30%). La politique tarifaire se veut attractive pour encourager l’usage du train (tarifs abonnés avantageux) et les principaux contributeurs sont les voyageurs occasionnels. De plus, la hausse de 11.6% des recette par voyageur.km entre 2019 et 2023 (8.4 centimes d’euro) est inférieure à l’inflation et tient principalement compte de l’augmentation du coût de l’énergie.
L’équilibre financier est difficile à trouver pour les régions qui renoncent parfois à demander le transfert des lignes ferroviaires régionales ou locales à faible trafic et des gares mono-transporteurs. Le manque d’informations techniques et financières empêche d’évaluer précisément le coût qu’un tel transfert représenterait pour les régions.
Au-delà des observations et recommandations de la Cour sur la qualité de service et la préparation des régions à l’ouverture à la concurrence, la question du financement des TER reste centrale. La hausse de la fréquentation des TER ne suffit pas à compenser l’augmentation des coûts d’exploitation et d’investissements. Les régions, principaux financeurs, font face à un défi majeur : concilier qualité de service, équité territoriale et réduction des émissions de GES.
Une étude de l’AFL sur le thème Transport & Mobilités à paraître en 2025
Le secteur des transports est le premier émetteur de GES en France, mais soulève également les inégalités territoires qui existent. L’AFL a mandaté un groupe d’élèves administrateurs et ingénieurs en chef du CNFPT-INET pour réaliser une étude sur le financement des mobilités. Ce travail, qui sera publié en mars 2025 présentera les leviers de financement mobilisables par les collectivités afin qu’elles concilient égalité territoriale et engagement de neutralité carbone.