L’AFL a pour la première fois été l’objet d’étude d’un colloque universitaire. Tenue le 18 novembre dernier à l’université Jean-Moulin Lyon 3, sous la direction scientifique de M. Messaoud Saoudi, et intitulée « L’Agence France Locale (AFL) – Un levier institutionnel d’autonomie financière des collectivités territoriales », une journée d’étude qui a permis le dialogue entre des universitaires spécialistes des finances publiques locales, des représentants du secteur de la finance et du monde local, ainsi que des élus.
En introduction, Céline Husson-Rochcongar, Maître de conférences habilitée à diriger des recherches pose les termes d’une problématique générale à propos des agences de la dette publique locale, en proposant de s’arrêter sur les conditions de la réussite du travail réalisé par l’AFL. Sont notamment renvoyées dos à dos deux positions caricaturales, car reposant sur un point de vue unique :
- Présenter les agences de financement comme une panacée qui permettrait aux collectivités territoriales d’accéder à l’autonomie en devenant leur propre prêteur
- A contrario, les rejeter comme un piège tendu par le marché à la démocratie, avec un risque de financiarisation de la démocratie locale.
Une approche plus nuancée s’impose selon elle : le droit demeure capable de réguler la finance, et il faut tenir compte de ce qui fait la spécificité des finances locales, à savoir leur capacité à coordonner l’un et le multiple, qui en fait un support de l’égalité entre les individus. Elle pose ainsi la problématique : il n’est pas certain que l’autonomie financière locale existe, ce qui pose la question de la capacité d’une agence comme l’AFL à en être un levier. D’un autre côté, les agences de financement local peuvent apparaître comme un nouveau moment de l’intelligence collective au service du bien commun.
Genèse et évolution : de l’agence de financement des collectivités à l’AFL
Le retour sur la genèse et les premiers pas de l’AFL est effectué par Olivier Landel, Directeur général de l’AFL-ST, et par Ariane Chazel, Membre du Directoire et Directrice Engagements & Risques. L’AFL naît de la volonté des collectivités d’aller directement sur le marché obligataire dans les années 2000, tout en créant un outil qui permettrait aux plus petites collectivités de bénéficier de la solidité des plus grandes. Le fonctionnement de l’AFL fait que les contre-pouvoirs présents dans les instances sont issus à la fois du monde bancaire et du monde local, ce qui permet à l’AFL de répondre aux attentes de l’ensemble des parties prenantes.
Le modèle de l’AFL est ensuite appréhendé dans une perspective plus large à l’occasion de deux communications d’intervenants issus du monde de la finance publique et privée. Matthieu Garrigue, de la Direction générale du Trésor, montre comment l’AFL peut constituer un complément aux mécanismes de marché pour financer une quantité optimale de biens publics. L’AFL contribue en effet à une atténuation des défaillances de marché qui entravent l’accès au financement des collectivités : la structure oligopolistique des marchés, l’asymétrie d’information, la nature particulière des biens financiers. Roland Auquer, VP Analyste Senior chez Moody’s, expose ensuite les paramètres évalués par une agence de notation quand elle se penche sur la situation financière d’une agence de financement.
L’AFL et ses pairs : approche comparative européenne
Matthieu Collette, VP Analyste Senior chez Moody’s et plus particulièrement chargé des collectivités locales, dresse un tableau de la santé financière des collectivités européennes et souligne les bons fondamentaux financiers des collectivités françaises, qui ont fait montre de résilience lors des chocs de ces dernières années. Lars Andersson, fondateur de la banque suédoise Kommuninvest, et membre du Conseil de surveillance de l’AFL, replace ensuite l’AFL dans le contexte de la fondation des agences de financement des collectivités en Europe en s’intéressant aux cas nationaux scandinaves. C’est ensuite au tour Thorsten Ingo Schmidt d’ouvrir la perspective en soulignant les différences réglementaires qui régissent la gestion des dettes des communes et des Länder allemands.
L’AFL, son écosystème et ses acteurs : quel apport à l’autonomie financière locale ?
Anselmo Jalabert (France urbaine) constate que l’emprunt est sans doute la principale victoire du monde local, et que l’enjeu central des prochaines années est de rendre sens à l’autonomie financière des collectivités. Viennent ensuite les témoignages d’élus membres de l’AFL : Pierre Boileau d’abord, vice-président du Grand Nancy, se félicite du retour à l’équilibre en l’espace de cinq ans et rappelle que l’une des forces de l’AFL est que ceux qui y travaillent connaissent parfaitement le monde des collectivités. Bertrand Hauchecorne, maire de Mareau-aux-Prés et coordinateur de la commission des finances de l’AMRF (Association des Maires Ruraux de France), insiste sur l’importance du fait que les collectivités puissent prendre leurs affaires en main, ce qui confère à l’établissement un état d’esprit singulier.
Synthèse : l’AFL à la recherche du bien commun
La synthèse de la journée est réalisée par le Professeur Etienne Douat, président de la Société française de finances publiques. Elle dépasse l’opposition présentée en introduction en mettant l’accent sur la notion de bien commun, distincte de celle d’intérêt général, que recherchent les collectivités en développant l’AFL. Le modèle de cette dernière est manifestement vertueux, et recèle encore des marges de progression. Le bilan de ces dix premières années d’existence montre à la fois comment les collectivités ont su s’emparer de leur outil, et la nécessité qui persiste de les aider à accéder aux marchés financiers.
Entretiens avec des intervenants :
M. Anselmo Jalabert, France urbaine.
Pourquoi faudrait-il rendre du sens à l’autonomie financière des collectivités ?
Il importe de dépasser le débat juridique sur ce que recouvre l’autonomie financière telle que définie par la réforme constitutionnelle de 2003. C’est sur l’architecture et l’équilibre global qu’il faut travailler : un équilibre entre la fiscalité directe, le partage de fiscalité indirecte, les transferts de l’Etat. Cette question d’équilibre donne du sens à l’autonomie financière locale en ce qu’elle dépasse un prisme strictement juridique, et qu’elle pose la question de la marge de manœuvre sur les recettes.
Quel rôle l’AFL peut-elle jouer dans cette quête de sens ?
Elle joue incontestablement un rôle de modèle. C’est l’exemple concret d’un projet mené par les collectivités territoriales. Elle est la preuve que les élus locaux sont à la hauteur des responsabilités qui leur sont confiées en matière financière.
M. Bertrand Hauchecorne, Maire de Mareau-aux-Prés (45) depuis 1995
Quel intérêt votre commune a-t-elle trouvé à devenir actionnaire de l’AFL ?
Le fait que ce soit une banque bien gérée a été déterminant. Cela se manifeste par des taux d’intérêt bas. Pour une commune comme la mienne, une différence de taux de l’ordre de 0,2 est importante. C’est une banque qui ne distribue pas de dividende extérieur, on est entre collectivités.
Qu’est-ce qui vous y a plu au plan philosophique et éthique ?
Le premier caractère que je retiens est celui de la confiance. Les collectivités gèrent leur banque directement, nous sommes en présence d’un établissement géré par nos pairs, ce qui nous rassure quant à ses priorités. La dimension éthique de l’AFL transparaît aussi par son orientation résolue en faveur du financement de la transition écologique.